Little Nemo est victime d'un phénomène similaire, avec un long métrage qui est arrivé à son terme, après moult péripéties mais ce que les amateurs retiennent ce sont surtout les pilotes de quelques minutes, réalisé en avant projet, notamment celui de Yoshifumi Kondo, le réalisateur de Mimi ô Sumaseba.
Petit rappel historique : Little Nemo est une bande dessinée anthologie signée Winsor Mac Key, célèbre pour avoir donné lieu à l'un des premiers dessins animés en 1911, que l'auteur a composé image par image, pour produire 12 minutes d'animation.
A la fin des années 1970, Yutaka Fujioka caresse le rêve d'une super production nippo-américaine pour adopter les aventures du petit garçon au pays des rêves, dans un long métrage distribué de part et d'autre du Pacifique.
Du côté japonais, c'est la Tokyo Movie Shinsha qui est impliquée, avec la participation au projet de grands noms de l'animation. Les plus connus restent Isao Takahata et Hayao Miyazaki mais d'autres professionnels de renom participent, tels que Yoshifumi Kondo et Yasuo Otsuka ou encore Nizô Yamomoto, futur directeur artistique sur la plupart des films du studio Ghibli.
Les participants du côté occidental sont également connus. Moebius / Jean Giraud, le dessinateur de Blueberry, participe à l'aventure, avec des apports au scénario de Chris Columbus, l'homme qui sera derrière les films d'Harry Potter. Parmi le staff, citons aussi Ray Bradbury, auteur de Fahrenheit 451 ou encore Lee Mishkin, le character designer de Docteur Magoo, sans oublier un certain nombre de pointures qui ont officié chez Disney : Franck Thomas, Ollie Johnson et Ken Anderson. Si vous trouvez liste encore trop légère, vous pouvez y rajouter le nom de Gary Kurtz, le producteur de Star Wars mais aussi de Dark Crystal.
Néanmoins, l'abondance de talents n'est pas synonyme de réussite et d'entente entre les membres. Rapidement, plusieurs participants, dont Miyazaki et Takahata, quittent le projet qui traîne en longueur. Lancé officiellement en 1982, la production n'aboutit qu'en 1989, en donnant l'impression d'avoir accouché d'une souris par rapport aux espoirs suscités au départ.
Le produit final est surtout différent des avant-goûts donnés par les pilotes concoctés au fil des ans. Le dernier pilote a été réalisé par Osamu Dezaki en 1987 mais le plus connu est celui sorti par Yoshifumi Kondô en 1984. Kondô a quitté le projet en 1985 et il a fallu attendre 1988 pour avoir l'équipe définitive du film, un film qui est plus empreint de la patte américaine que du style japonais.
J'ai pu voir le pilote de Kondô sur grand écran, lors du festival des images du Japon de 1999. L'essai ne dure que 3 minutes 30 mais vous en prenez plein la vue et la pâle copie qui circule sur le net reflète à peine la richesse des couleurs qui frappent à l'écran. Il s'agit d'une véritable envolée lyrique avec une vision très "ghiblesque" de l'envol d'un lit dans le ciel de Londres, avant de s'immerger dans un univers mi-urbain, mi-marin.
Il est habituel d'y voir de futures références à l'envol de l'hydravion de Porco Rosso mais j'y retrouve aussi les trajets de Kiki, la petite sorcière de Miyazaki sur son balai, au dessus de la mer.
Les détracteurs reprochent à ce pilote une vision trop personnelle des réalisateurs japonais, qui s'éloignent de la touche originale de la bande dessinée, et d'un certain côté la version finale respecte peut être mieux l'esprit d'origine. En revanche, les fans de travaux qui semblent sortis du studio Ghibli sans en être, tels que Kumo no yô ni Kaze no yô ni ou Tsuru ni Notte - Tomoko no Bôken, restent sur leur faim.
A défaut de le voir au cinéma, vous pouvez visionner le film pilote de Kondô sur une édition japonaise du DVD de Little Nemo, qui comporte aussi le court-métrage d'Osamu Dezaki. A ma connaissance, les éditions françaises ou américaines ne les contiennent pas.
Dans Compte-rendu de la carte blanche à Sunao Katabuchi..., il a été dit
[...] d’Isao Takahata, puis encore de Yoshifumi Kondô… Qui ont pu tout de même produire un (superbe) pilote de 3 minutes 30 qui fut donc diffusé (le projet vit encore la création d’autres [...]